Envolés les espoirs et nos cœurs défoncés.

L’appât est en place. Le sang est encore frais, et le mannequin censé représenter un cadavre placé bien en évidence. Assez pour qu’il soit vu, mais pas trop non plus pour que la proie se rende compte du piège. Harlow et Atlas ont pris place en hauteur, sur un toit donnant une vue stratégique sur la cible. La harpie croira à un homme fraichement assassiné. Ou bien elle ne croira en rien et se laissera bêtement piégée. Il est difficile de savoir si ces créatures sont véritablement douées de réflexions tant leur espérance de vie face à un chasseur est de courte durée. Des créatures qu’il est relativement aisé d’éliminer pour des chasseurs aussi aguerris qu’Atlas et Harlow. Presque un affront. Harlow a eu bien du mal à retenir son nez de se plisser, signe de son agacement. Les maîtres leur ont confié une mission d’une facilité certaine. Presque affligeante. Comme s’ils pensaient qu’ils avaient besoin de se remettre en selle. Comme s’ils avaient besoin de passer un test. Pour montrer qu’ils n’ont rien oublié. Qu’ils sont encore capables. Qu’ils peuvent travailler ensemble. Et qu’ils ne se feront pas tuer à la première occasion. Rien qu’à cette pensée, Harlow peste, remontant le col de son manteau le plus haut possible. Il fait froid ce soir, et la pluie est au rendez-vous. Une soirée de merde, ni plus ni moins. Assis sur une cheminée, ils attendent en silence qu’une harpie se manifeste. Cette stratégie, ils l’utilisent depuis longtemps maintenant, et forcer de constater qu’elle finit toujours par payer. Harlow munie de son arc veille au grain, tandis qu’Atlas vérifie que ses lames sont bien en place et qu’elles sont faciles à dégainer. En somme, Harlow neutralise la proie en plein vole, et Atlas l’achève. Un jeu d’enfants pour eux tant leur expérience est grande. Enfin, en théorie. Quoi qu’elle en pense, y’a quand même quelque chose de différent, par rapport à avant. Ils ne sont plus que deux. James n’est plus à leur côté. Et ça fait bizarre. Ça l’angoisse. Ça lui fait une boule au creux de l’estomac. Et ça la laisse pensive. C’est leur première mission en binôme. Et non plus en trinôme. Et Harlow, elle doute. Elle doute de ses capacités, de ses compétences. La peur, depuis la mort de James, ne la quitte plus. L’enveloppe, s’immisce en elle, jusqu’à la faire suffoquer. Elle craint de perdre Atlas, comme elle a perdu James. D’un battement de cils. D’une flèche mal placée. Avant, elle ne se posait pas la question. Elle vivait dans sa bulle, dans le déni. « Ça ne peut arriver qu’aux autres. » qu’elle se disait. Jusqu’à ce que ça leur arrive à eux. Jusqu’à ce que ça les brise. Reprendre le cours de sa vie, continuer à vivre. Sans James. Sans son meilleur ami. Avec cette culpabilité qui les ronge. Avec ce fossé qui s’est formé entre Atlas et elle. Un fossé de non-dits, de culpabilité et d’appréhensions. Elle sait qu’il l’évite depuis la mort de James. Elle sait qu’il va mal. Et Harlow, elle ne sait pas quoi faire. Ne sait pas comment agir avec lui. Elle qui le connaissait si bien se retrouve face à un inconnu. À l’ombre d’Atlas. À sa part la plus obscure, la plus blessée, la plus traumatisée. Alors depuis qu’ils sont partis du QG, ils ne se sont pas adressés la parole. Ou juste quelques mots de ci de là. Rien qui ne puisse briser la glace qui s’est instaurée entre eux. « J’espère qu’elle ne va pas nous faire attendre trop longtemps. » qu’elle murmure tout en se frictionnant les bras pour lutter contre le froid. Elle regarde l’appât, plutôt qu’Atlas. « Une harpie. Ils n’auraient pas pu trouver mieux. » qu’elle continue en levant les yeux au ciel, tentant tant bien que mal de faire la conversation en paraissant le plus naturel possible. Harlow se redresse, fait quelques pas, se remet quelques mèches rebelles en place. Avant de lancer un regard agacé vers Atlas. « On aurait dit qu’ils parlaient à des apprentis. » qu’elle conclue en pestant. Elle a sa fierté, Harlow. Et elle sait qu’Atlas a la sienne.

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Harlow, elle essaie de faire la conversation. De parler de ce qu’elle ressent en surface. De la frustration qu’elle a ressentie lorsqu’on leur a confié cette mission. Harlow, elle est pas du genre à tout garder pour elle. Contrairement à Atlas, elle dit toujours ce qu’elle a sur le cœur. Le bon, comme le moins bon. Les félicitations, comme les critiques. Si ces derniers temps Harlow s’est tue, forcer de constater qu’elle reprend du poil de la bête. Qu’elle tente de redevenir comme avant. D’être la même Harlow. Après, elle n’est pas prête encore de parler de James. De ce qu’il s’est passé cette fameuse nuit. Au contraire de crever l’abcès, elle fait l’erreur d’essayer de l’enterrer. De faire comme s’il ne s’était rien passé. Quand bien même il est impossible de faire comme si. James n’est plus là, et c’est une évidence. Ça se ressent tous les jours. Constamment. Harlow, elle ne fait plus rien comme avant. C’est un fait qu’elle ne peut nier. Mais qu’elle est pas encore capable d’exprimer. « J’doute que ça soit notre dernière nuit comme ça. » qu’il finit par lui répondre. Harlow mord ses joues, baisse le regard. Parce qu’elle sait qu’il a raison. Malheureusement. Si les maitres doutent d’eux, ce n’est pas en une nuit que ça va passer. Et ça l’emmerde d’avance. Parce qu’elle entend déjà les rumeurs, les regards en coin. Après le choc de l’annonce, les larmes lors de l’enterrement, la vie au QG reprend son cours. À présent, dans le regard des Shadowhunters, il n’y a plus de pitié. Juste de l’incompréhension et des accusations silencieuses. Tant que la situation n’est pas claire, Harlow et Atlas vont être mis à part. C’est une évidence. « Faut qu’ils analysent ce qui s’est passé, sortent leur foutu rapport, toute cette merde. » Et Atlas ne fait que confirmer ses doutes. Harlow croise ses bras sur sa poitrine, porte un regard en biais vers son coéquipier qui s’est levé et s’est approché pendant qu’elle avait le dos tourné. Elle ne bronche pas, ne bouge pas. L’observe simplement. Y’aurait peut-être eu son cœur qui se serait emballé, son esprit qui se serait embrumé, s’il n’y avait pas eu cette rage émanant d’Atlas. Une colère qui ne lui ressemble pas. Qu’elle ne lui connait pas. Et qu’elle appréhende. « On a fini d’perdre nos nuits avec ces conneries. » Il s’emporte. Perd le contrôle. Harlow ferme les yeux, reste de marbre. Tais ses inquiétudes. Et si c’était vraiment nécessaire, cette mise à l’essai ? Et si après tout ça, ils n’étaient plus capables ? D’un battement de cils, Harlow fait taire ses incertitudes, et va se poster aux côtés d’Atlas. Tous deux le regard rivé vers l’appât plutôt que vers l’autre. « Il n’y a plus rien à dire. Plus rien à faire. On a tout raconté, dans les moindres détails. Ça devrait plus être long. » Elle se retient de dire qu’ils n’ont rien fait de mal, car à coup sûr cela serait mal interprété par Atlas, et à juste titre. « Il faut pas qu’on merde cette nuit Atlas. » qu’elle souffle d’une voix sérieuse. Elle porte son regard vers son coéquipier, rempli d’appréhensions. « Sinon on va être mis de côté. » Recalés. Jugés inaptes. Placés dans l’ombre, bons à faire la paperasse, à préparer les armes, ou à remplir les missions dont personne ne veut tant elles sont faciles et rébarbatives. « On peut y arriver. On l’a déjà fait. » qu’elle lance, comme pour se donner du courage. Comme pour se persuader que c’est possible. Travailler en binôme, tous les deux. Ça s’est déjà vu, quand James était occupé ailleurs, ou qu’il ne pouvait tout simplement pas chasser à cause de certaines blessures. Harlow et Atlas se débrouillent même plutôt bien ensemble. Parce qu’ils se complètent. Mais ça, c’était avant. Avant qu’ils se mettent à douter, avant qu’ils se laissent étouffer par la douleur et les non-dits. « J'ai confiance en toi. En nous. » qu'elle conclue dans un murmure, un petit sourire étirant ses lèvres vermeilles.

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« Tu devrais pas te manger tout ça dans la gueule. » La phrase semble sortir toute seule. Siffle entre ces lèvres, et touche Harlow en plein cœur. Cette dernière reste interdite quelques instants, accuse le coup. Digère les mots. Alors c’est vraiment ce qu’il pense ? Qu’elle n’est qu’un dommage collatéral ? Que la mort de James n’est pas de sa faute ? Ses cils papillonnent, tandis que la pluie l’aveugle. Harlow, elle est choquée par ce qu’elle entend. Par ce qu’Atlas ressent, au plus profond de lui. Il se sent coupable. Normal. Et il a tendance à vouloir n’être que le seul responsable. Quand au fond ils sont deux dans la même galère. Et quand, quand on y réfléchit bien, au fond il n’y a aucun coupable. Mis à part le destin. Tout n’est qu’un enchainement de mauvais choix. Qu’un destin que tous les trois ils ont enclenché, jusqu’à sa funeste apogée. Harlow garde le silence, trop choquée encore par les aveux d’Atlas pour trouver quelque chose de percutant à répondre. Quelque chose qui fasse sens. Et pas tâche. « J’doute pas qu’on pourra y arriver, Harlow. » qu’il commence. Le « mais », Harlow le sent à trois kilomètres. Ce qui gâche surement cette phrase, qu’elle n’apprécie pas à sa juste valeur. Qui sonne cruellement faux, et qui fait écho à ses propres paroles. Ils doutent, tous les deux. Qu’ils essaient de prétendre le contraire ne marche visiblement pas. Car ils se connaissent par cœur. Et ce depuis toujours. « Tu pourrais probablement régler ton problème, tu sais. T’aurais qu’à demander d’être transférée. » Nouveau coup de poignard. Nouvelle révélation qui la tomber de haut. Harlow, elle a l’impression de redécouvrir Atlas. De découvrir son nouveau lui. Et ce qu’elle devine de lui, ça lui fait mal au cœur. Qu’il pense que les retombées de la mort de James soient un problème. Que le fait qu’elle soit transférée serait une solution. Que s’éloigner de lui lui permettrait d’aller mieux. Alors qu’au contraire ce serait pire. Harlow, elle a perdu son meilleur cette nuit-là. Ça a été dur. Comme si y’avait une part d’elle-même qui se déchirait. Comme si y’avait un trou béant dans son cœur. Elle a aimé James, Harlow. De tout son cœur. De toute son âme. C’était à lui qu’elle se confiant. C’était à lui qu’elle disait tout. C’était comme un frère pour elle. Et maintenant, elle doit vivre avec son souvenir. Se faire à son absence. C’est constamment, qu’elle pense à lui. Qu’elle se demande comment il réagirait, dans telle situation. Ce qu’il répondrait. Comment il réussirait à la rassurer. James, il a toujours eu le don de trouver les mots justes. Les mots qui touchent. Alors qu’Harlow, elle est nulle à ça. Harlow, elle aimerait lui répondre, à Atlas. Lui dire tout ce qu’elle a sur le cœur. Lui dire qu’elle ne lui en veut pas. Qu’en aucun cas elle ne voudrait changer de binôme. Qu’elle l’aime, tout simplement. Et ce depuis toujours. Qu’elle regrette que la mort de James soit arrivée, et qu’il ne faut pas qu’ils s’en blâment. Que c’est la faute à personne, si ce n’est au destin. Qu’il faut qu’il se pardonne. Qu’il arrête de se croire responsable, et de s’en rendre malade. James, c’est clairement pas ce qu’il voudrait. S’il était là, il dirait qu’il faut qu’ils restent soudés. Plus que jamais. Qu’ils restent ensemble, l’un contre l’autre. « J’le prendrais pas mal. » qu’il souffle dans un murmure, le cœur à nu. Y’a une larme qui dévale contre la joue d'Harlow, et qui vient se mêler aux gouttes de pluie. Harlow, elle a pas bougé. Elle a même pas respiré. Elle est restée là, stoïque. Les bras ballant le long du corps, inertes. « C’est vraiment ce que tu penses ? » qu’elle finit par dire après un silence qui lui a semblé interminable. Elle croasse, Harlow. Parce qu’elle est émue. Parce qu’elle est assaillie par des sentiments contradictoires. Elle est en colère, Harlow. Qu’il pense qu’elle veut être loin de lui. Elle est déçue, aussi. Qu’il pense ça d’elle. Qu’il la connaisse aussi mal. Qu’il ne comprenne pas. Et puis elle est déchirée. Émue. Parce qu’Atlas s’est mis à nu. Parce qu’après tous ces jours de silence il sort enfin de son mutisme. Contre toute attente. « J’veux pas d’un autre partenaire. » Sa voix est tranchante. Catégorique. Harlow, ça lui a jamais traversé l’esprit de changer de coéquipier. Même après tout ce qu’il s’est passé. « Tu te souviens pas : "Atlas, Harlow et James ensemble contre le reste du monde" ? » C’était ce qu’ils s’étaient dit quand ils étaient gosses. Une sorte de pacte qu’ils avaient passé à la tombée de la nuit, alors qu’ils réalisaient leur initiation. « Qu’il n’y ait plus qu’Atlas et Harlow ne change rien. On est une équipe. Une famille. » Les larmes, elles dévalent une à une le long de ses joues, tandis qu’Harlow fait face à Atlas. Tandis qu’ils se parlent comme ils ne l’ont pas fait depuis ce qui semble être une éternité. « J’ai besoin de toi Atlas. Quoi que t’en dises, quoi que t’en penses. » Parce qu’il est tout pour elle. Parce qu’il a toujours été l’homme de sa vie, et qu’elle s’est jamais vue loin de lui. « J’veux pas d’un autre partenaire. » qu’elle répète. « J’te veux toi. Toi et toi seul. » C’est dit. Harlow, elle est claire dans ses paroles. C’est Atlas qu’elle veut. Qu’elle a toujours voulu. Il se met le doigt dans l’œil, s’il pense pouvoir se débarrasser d’elle. Y’a que la mort, qui pourra les séparer. « Me laisse pas tomber. » qu'elle le supplie presque.

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Elle a besoin de lui. Quoi qu’il en pense. Harlow, elle a toujours eu le béguin pour Atlas. Le sait-il seulement ? Elle ne l’a jamais su. Surement. Parce que James, il l’a bien toujours su. Alors c’est que ça devait se voir. Elle n’a jamais eu le courage de lui avouer. Surement par crainte. Par peur du rejet. Que plus rien ne soit jamais plus avant. Elle tient beaucoup à Atlas, et ne supporterait pas que le non-retour de ses sentiments induise un éloignement de sa part. Alors elle s’est toujours tue. A fermé les yeux lorsqu’il s’est mis en couple avec toutes ses filles. A même suivi ses conseils lorsqu’il l’a poussé dans les bras de James, quand bien même elle était quasiment sûre de ne ressentir à son égard qu’une profonde amitié. Un sentiment de fraternité. Mais le fait est que malgré tout, et après tout ce temps, Harlow, elle aime toujours Atlas. À en crever. Et qu’elle s’imagine pas vivre loin de lui. Perdre James, son frère de cœur, est une épreuve qu’elle peine à surmonter. Mais perdre Atlas serait un anéantissement auquel elle ne se relèverait pas. Alors Harlow, elle se sent obligée de lui dire tout ça. De lui avouer qu’elle ne veut pas le perdre. À le supplier de ne pas la laisser de côté. Elle a le cœur mis à nu, le regard embrumé. Et puis y’a Atlas qui lui fait face. Qui semble à son tour chamboulé. Elle l’observe, le souffle court, tandis qu’il fait un pas dans sa direction. Qu’il se penche pour lui enserrer la nuque. Le temps semble s’arrêter. S’égrainer à une vitesse affreusement lente. Harlow, elle se perd dans son regard. Se noie dans ses iris. Il n’avait pas eu de geste tendre envers elle depuis la mort de James. Et ça lui avait manqué. Un instant, Harlow, elle croit qu’il va l’embrasser. Qu’il va enfin révéler ses sentiments. Mais il se contente de la prendre dans ses bras. Et au final ça lui suffit amplement. Parce qu’Harlow, elle se rend compte qu’elle en avait besoin. De sentir sa peau tout contre la sienne. Elle prend une grande inspiration. Se gorge de son odeur qui lui a tant manqué. Elle resserre son emprise, glisse ses mains autour de sa nuque, tandis qu’elle profite de cet instant qui a le don de l’apaiser et de la réconforter. « Je suis désolé, j’te laisserais jamais tomber. » Le pouvoir des mots. De cette étreinte. De cet instant. Harlow frotte sa joue contre l’épaule d’Atlas, pousse un profond soupir de soulagement. « J’ai pas envie qu’tu trouves d’autres partenaires. J’me souviens, Harlow, jamais j’pourrais oublier ces années parfaites. » Parfaites. Oui, c’est ce qu’elles étaient. Une petite bulle de bonheur et d’innocence. Brisée en une fraction de secondes. Dur rappel que la vie ne tient qu’à un fil. Qu’ils sont tous des funambules capables de sombrer d’un côté comme de l’autre à chaque instant. Et qu’il ne faut jamais l’oublier. Jamais. « C’est juste que… » qu’il  souffle dans un soupire, tout en se détachant d’elle. À son plus grand regret. « J’faisais juste dire ça comme ça, au cas où. » Atlas tente de se justifier. Il redevient le petit garçon timide qu’elle a toujours connu. Handicapé des sentiments. Celui dont elle est tombée amoureuse, dès les premiers instants. « Je sais. » qu'elle murmure à son tour. Parce qu'elle le connait. Parce qu'elle sait comment il fonctionne. Et qu'elle a compris ce qu'il voulait dire. Qu'il ne voulait pas lui faire de la peine, mais juste lui offrir une porte de sortie si elle le souhaitait. Une sorte de bonne action, au départ. « Tant que tu veux d’moi, j’vais te traîner dans les pattes. Tu sais bien que j’sais pas comment m’passer de toi. » Y’a un sourire sincère qui se dessine sur les joues d’Harlow. Elle sait pas trop quoi ajouter. Parce que tout a été dit. Alors elle se contente de se glisser dans le dos d’Atlas et de lui ébouriffer les cheveux. Comme avant. Comme au bon vieux temps. « En même temps comment tu pourrais ? Je suis irrésis – » Elle a pas l’occasion de finir sa phrase. Parce que y’a un bruissement d’ailes. De l’électricité dans l’air. Un subtil changement que seul un chasseur peut percevoir. « Elle arrive. Excellent timing. » qu’elle ironise, son regard se durcissant. Pile quand ils se retrouvent enfin. La poisse. Harlow se détache rapidement d’Atlas, le sérieux reprenant le dessus tant par son timbre de voix que par son attitude. Elle se penche pour attraper son arc, et saisit dans son carquois une flèche. « Planque-toi elle va nous survoler sur la gauche. » Harlow, elle a un œil de lynx. Merci la nyctalopie. Mêlant gestes à ses paroles, la voilà qui se baisse pour se cacher derrière une cheminée. Retenant son souffle et fixant son regard vers Atlas.  

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« J’me planque, mais on la liquide vite. » qu’il clame tout en se cachant à son tour derrière une cheminée pour ne pas être vu. Harlow, trop concentrée par la créature, la suit du regard, et ne fait pas vraiment attention à ce que dit Atlas. Faut dire qu’elle est sérieuse, Harlow. Dès qu’un combat commence, elle entre dans l’action. Elle se laisse pas distraire. « Après, on va se chercher quelques bières pour fêter notre retour au sec. » Y’a quand même un petit sourire qui se dessine au creux de ses lèvres, tandis qu’Atlas peut pas s’empêcher de faire de l’humour. Elle secoue la tête lentement, retenant un rire, avant de lancer un regard à son coéquipier à la dérobée. « Concentre-toi donc sur la cible. » qu’elle rétorque, même si au fond son ton est jovial. Oh oui, vivement que tout ça soit fini et qu'ils aillent fêter ça. La harpie passe près d’eux sans les voir. Elle tourne lentement au-dessus de la ruelle, histoire de voir s’il y a du danger à proximité. Et une fois qu’elle est persuadée qu’il n’y a personne, elle descend lentement. D’un signe de la tête, Harlow fait comprendre à Atlas que la voie est libre. Que la harpie n’est plus dans leur champ de vision et qu’il est temps de passer à l’action. Après un dernier regard, le voilà qui descend en rappel du toit de l’immeuble. Et Harlow, immanquablement, elle peut pas s’empêcher de sentir une boule se nouer dans son estomac. Elle peut pas s’empêcher de penser à ce dernier échange, aux traits serins qu’il semble arborer. Comme pour se le mémoriser, au cas où ce serait le dernier. Lentement, la voilà qui s’avance à son tour jusqu’au bord de l’immeuble. Qui pose un pied sur le rebord et qui bande la corde de son arc. Elle observe Atlas qui se faufile parmi les ombres, et qui garde toujours un œil sur la harpie qui, sans se douter de rien, commence à s’approcher du mannequin. Combien de temps, avant qu’elle ne comprenne que c’est un leurre ? Harlow est tendue, et elle a bien des peines à empêcher ses bras de trembler. Elle ne peut pas se permettre un tel comportement. Car sa flèche est cruciale. Elle est celle qui doit protéger les arrières d’Atlas. Alors il est inconcevable qu’elle tremble et qu’elle loupe sa cible. Qu’elle offre l’homme qu’elle aime en pâture à la harpie. Harlow retient son souffle, fermant un instant les yeux pour se forcer à se ressaisir. À faire taire cette terreur sourde qui ne la quitte pas depuis qu’Atlas a quitté son champs de vision. C’est donc ça, la peur ? Elle qui n’avait jamais douté pendant les chasses se rend compte qu’à présent elle est vulnérable. Fragilisée par la mort de James. Elle qui n’avait jamais peur se retrouve à présent en proie à ses plus sombres craintes. Et elle a bien du mal à refaire surface. Atlas est en place. Elle le sait parce qu’il lui fait signe. Il s’apprête à agir. Et ça lui fait l’effet d’un détonateur. Atlas va sortir de sa planque. Il va brandir son épée, et attaquer cette harpie. Et Harlow, elle peut pas le laisser tomber. Pas après tout ce qu’ils se sont avoués. Alors elle se mord la lèvre inférieure, se concentre sur la harpie, et fait abstraction de tout le reste. Elle oublie ses peurs. Oublie sa crainte de voir Atlas blessé. Elle visualise le monstre ailé, et alors qu’Atlas sort à découvert en poussant un cri, Harlow décoche sa flèche. Prise par l’effet de surprise, et perturbée par la flèche qui s’incruste dans une de ses ailes et le chasseur qui fond vers elle en brandissant une épée, la harpie hésite. Une seconde d’hésitation, pas plus, mais qui, au final, lui sera fatale. Atlas fond sur elle, tandis qu’elle comprend à peine ce qu’il lui arrive. Et tandis qu’il lui plante son épée, la harpie semble enfin vouloir se défendre. Ce qui se passe exactement, Harlow ne le sait pas. Bien trop en hauteur pour le savoir. Il y a une lutte, qui ne dure que quelques secondes. Car Atlas porte rapidement le coup fatal, laissant la harpie expirer son dernier souffle tout en baignant dans son sang. Au final, le combat n’aura pas duré plus d’une minute, et la bête aura succombé rapidement. Pas de quoi stresser. C’était bel et bien un jeu d’enfants. « Atlas ! » Harlow range son arc et ses flèches dans son dos, et prend à son tour le chemin du sol. Rapidement, elle pose pieds sur le bitume, et rejoint son coéquipier. « Tu vas bien ? » Elle l’inspecte sous tous les angles, prête à utiliser une rune de guérison si nécessaire. Mais il a l’air d’aller bien. Au pire a-t-il seulement quelques égratignures. « Bien joué. » L’once de soulagement se lit clairement dans sa voix, tandis qu’elle pose une main sur son épaule pour le féliciter. « Trop facile, vraiment. » qu’elle clame avec une certaine fierté. Alors qu’il y a quelques minutes encore elle était tout sauf confiante.

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Y’a son cœur qui peut pas s’empêcher de tambouriner dans sa poitrine. De prouver qu’elle n’est pas si sereine que ça. Que malgré les apparences, Harlow, elle est encore crispée. Apeurée. Elle sait qu’Atlas va bien, qu’il n’a aucune blessure. Que tout s’est passé comme ils l’avaient escompté. Mais y’a ce traumatisme qui résonne en elle. Qui la fait frémir et perdre ses moyens. La mort de James est encore trop récente. La blessure encore trop profonde. Combien de temps, avant que la peur ne la quitte ? Qu’elle redevienne la Harlow confiante d’avant ? Est-ce que c’est possible, au moins ? Ou alors est-elle condamnée à toujours être en proie aux doutes ? À toujours craindre pour la vie des autres ? Son comportement fait sourire Atlas, qui peut pas s’empêcher de rigoler. « Toujours en un morceau, on peut pas en dire autant d’elle. » Harlow, elle se force à pas penser à James. À ne pas visualiser Atlas couvert de sang, un bras à moitié détaché de son corps. Elle chasse ces images d’un battement de cils, se force à sourire à son tour tout en basculant son regard sur le restant de la harpie qui se dissout rapidement. Jusqu’à ne plus laisser aucune trace, et repartir dans les ténèbres d’où elle est apparue. « On est toujours les meilleurs. » Qu’il ajoute tout en passant un bras autour de son épaule. Lentement, elle pose sa main sur son épaule à lui, profite de ce contact rapproché. De ce moment privilégié. Oui, ils sont toujours les meilleurs. Et non, il ne faut pas qu’elle pense à James. C’est du passé. C’est douloureux. Et ça doit rester derrière eux. Alors Harlow, elle se force. Elle profite de l’instant. Ne veut pas gâcher leur première victoire à deux. « Tu en doutais ? » qu’elle clame avec malice, tandis qu’ils commencent à marcher tranquillement dans la ruelle, bras dessus, bras dessous. « Alors, cette bière, on prend quelle sorte ? » L’atmosphère est détendu. Jovial. Et forcer de constater que ça a le don d’apaiser Harlow. De la calmer. De lui faire oublier toutes ces peurs passées. Elle ne prend pas vraiment le temps de réfléchir, face à sa question, et répond presque du tac au tac. « Une brune, bien évidemment. » Une bière à son image, en référence à la couleur de ses cheveux. Y’a un rire cristallin qui s’échappe d’entre ses lèvres et qui se perd dans les gouttes de pluie, tandis qu’ils rentrent chez eux, au QG des Shadowhunters. […] Quelqu’un frappe à la porte de sa chambre, tandis qu’Harlow finit de se sécher les cheveux. La douche était plus que bien venue, et lui a fait un bien fou. Elle ouvre la porte avec un large sourire. Parce qu’elle sait que c’est Atlas. Qui cela pourrait-il être, à une heure aussi tardive ? « Hey. » qu’il lui dit, tout en secouant la caisse remplie de bières. « J’aime ce bruit. » qu’elle minaude, tout en l’invitant à entrer. Il connait sa chambre, y est déjà venu à de maintes reprises. Alors il sait où aller. Qu’il prenne ses aises. « Avec tout ça, la soirée va être mouvementée. » Elle parle des bières. Vingt-quatre. De quoi durer toute la nuit, et les enivrer plus que nécessaire. « Tu veux me voir saoule, c’est ça ? » Elle plaisante, Harlow. Parce qu’il est rare qu’elle se mette dans un tel état. Elle connait ses limites, sait s’arrêter à temps. Contrairement à Atlas et à James qui finissaient toujours roulés par terre. « Je te préviens, ce qui se passe ce soir reste entre nous. Pas de photos compromettantes sur Instagram. » Elle le pointe du doigt, l’air menaçante. Parce que la dernière fois où elle a trop bu, Atlas et James se sont moqués d’elle pendant une semaine en brandissant à tout bout de champ une photo d’Harlow dans une situation des plus délicates.