« C'est pas comme si j'étais pas habitué. » Mon ton est un rien blasé, mais mon sourire délivre parfaitement la sensation jubilatoire que charrient mes veines. Je lève les mains et aussitôt, alors que mes yeux chatoient d'une lueur d'or, les doigts s'auréolent, eux, d'étincelles blanches presque bleutées. Je sentis la puissance de mon géniteur parcourir mon corps et d'un geste, j'envoyais un javelot d'électricité face à notre ennemi. Dans un mouvement fanfaron, je me penchais vers mes compagnons, dans une révérence moqueuse. « Sinon, ce soir pizza ? Me regardez pas comme ça, je vais pas faire à chaque fois mes blagues sur l'électricité. Vous devez être blasés, à force, de m'entendre claironner des trucs du style, il y a de l'électricité entre nous, mon chou, ou attention chéri, ça va électrocuter. » J'avais un sourire de gosse, face aux regards fatigués de mes amis. Je savais néanmoins que j'étais parfaitement hilarant, il fallait juste que je renouvelle mon stock de calembours.

« Merci, Aunty. » Je me penchais et embrassais le front de ma tante, assise sur son rocking-chair. Si une odeur devait m'apaiser, c'était la sienne. Elle m'avait élevé lorsque ma mère était morte ; c'était elle qui s'était occupé de mon éducation et m'avait révélé ma descendance avec Zeus. Elle m'avait appris à me contrôler, à user de mes pouvoirs avec parcimonie - chose qui était parfois un peu difficile, tant j'aimais pavoiser comme un paon. La fierté était autant une qualité qu'un défaut, chez moi. J'allais m'installer sur le toit, profitant de la fin de journée et de la voûte stellaire qui se piquerait d'étoiles. La lune apparaissait proche des montagnes, et j'eus la mélancolie soudaine de Paris, de sa langue française et de ma maison d'enfance. M'allongeant sur les tuiles d'ardoise qui avaient absorbé la chaleur, je me mis à chantonner tout bas et de façon plutôt fausse. Voir ces lucioles galactiques me faisait penser à mon père. J'étais un enfant de Zeus, un sorcier, un Mountebank. Je fis jouer sur mes doigts quelques étincelles, dont le contact procura des chatouilles à ma peau. Je me demandais si l'Olympe existait, si les autres dieux des autres panthéons existaient. Pourquoi pas ? Il n'y avait nulle limite à nos mondes, à nos pouvoirs.